Avec un progiciel de gestion intégrée, l’entreprise s’appuie sur une structure informatique globale qui ne tient plus compte du cloisonnement entre services. Les PGI ne connaissent pas les frontières liées aux organisations ou à la géographie : services centraux, sites de production, succursales et filiales sont fédérés par un réseau global de traitement des processus de gestion. Le marché des PGI, en plein essor, concerne un grand nombre d’entreprises. A titre indicatif, d’après SAP (leader mondial) son PGI a été installé dans environ 60 000 entreprises dont plus de 7 500 multinationales. Il est présent dans 85 pays, ce qui représente une communauté d’utilisateurs de douze millions de professionnels. |
La diffusion des PGI d’un secteur à un autre est aussi assurée par les relations commerciales. Une grande entreprise satisfaite d’avoir adopté cet outil, peut demander à ses partenaires (clients et surtout fournisseurs) de s’équiper à leur tour d’un PGI. Il s’agit ensuite de faire communiquer ces différents outils afin d’échanger directement des informations sans nouvelle saisie et traitement préparatoire. Tout ceci est amplifié par un marketing particulièrement bien orchestré par les éditeurs de logiciels et les cabinets de conseil. Dans l’adoption d’un progiciel de gestion intégrée, les aspects inter-organisationnels sont donc très importants et peuvent se révéler décisifs : une organisation peut être incitée plus fortement à installer un PGI par des facteurs environnementaux que par l’analyse détaillée de ses besoins et la recherche d’une solution en adéquation avec ceux-ci. |
L’adaptation des progiciels de gestion intégrée aux organisations : une faculté hypothétique Les PGI sont caractérisés par la généricité des fonctionnalités qu’ils proposent. Cette généricité suppose une organisation sous-jacente du fonctionnement des activités concernées, notamment en termes de processus. Ceux-ci conviennent particulièrement à certains types d’organisation dont les activités sont conformes à cette approche. Le problème se pose alors pour les autres organisations. Un PGI dispose de fonctions de paramétrage très poussées qui doivent permettre leur adaptation à toute organisation cible. Si cette caractéristique est mise en avant par les éditeurs et les cabinets de conseil, elle est en fait controversée et la pratique montre que la plupart des organisations exploitent de façon superficielle la flexibilité des PGI, pour des raisons de coût de paramétrage, de maintenance et d’évolution à moyen terme. Ainsi, les organisations qui implantent les fonctionnalités standard du PGI doivent adopter les processus associés. |
Un projet d’implantation de progiciel de gestion intégrée est presque toujours associé à une reconfiguration des processus de gestion (re-engineering) Si les PGI ne sont pas adaptés à l’organisation et que celle-ci met en place un PGI, une réingénierie est obligatoire. Celle-ci nécessite une démarche de remise en cause fondamentale et de redéfinition radicale des processus opérationnels pour obtenir des gains spectaculaires notamment en terme de productivité. Lorsqu’un progiciel de gestion intégrée est implanté dans un grand groupe, il est rare que toutes les branches travaillent ensemble de façon parfaitement coordonnée[1]. Le PGI, par son caractère intégré, impose la mise en cohérence de ces pratiques, ce qui nécessite là aussi un travail de réingénierie. Si un PGI est adapté à une organisation, la réingénierie perd son caractère obligatoire. Mais dans quasiment tous les projets d’implantation de PGI, une réingénierie est réalisée : elle modifie l’organisation sur tous ses plans. |
Des processus et des données uniformisés La caractéristique principale d’un PGI est l’intégration informationnelle permettant à l’organisation de retrouver une véritable coopération, c’est-à-dire que tous les acteurs opèrent quotidiennement avec un langage, des méthodes et des outils communs. Ceci permet de développer le sentiment d’appartenance à l’entreprise, surtout dans les multinationales dont les employés, dispersés dans différents pays, se sentent, du simple fait de travailler avec le même référentiel et les mêmes outils, membres d’une même organisation et partagent la même vision de leur entreprise et de leur travail. Un système d’information international contribue à la réussite d’une stratégie globale pour l’entreprise car il permet de collecter, stocker, transmettre et manipuler des données à travers différents environnements culturels. De même, l’homogénéisation s'impose dans le cas des fusions car elle limite les dysfonctionnements liés à des systèmes informatiques différents dans les entités fusionnées. De plus, la réingénierie permet d’établir de nouvelles méthodes de travail et de les unifier dans toutes les unités de l’organisation. L’information visible et accessible L’homogénéisation des données, des processus et des systèmes permet l’intégration informationnelle. Cette intégration offre aux contrôleurs de gestion du siège d’une entreprise une vision globale des données unifiées de chaque entité, sans avoir à attendre leurs comptes rendus. Ceci facilite les rapports de contrôle (reporting), ainsi que la consolidation des comptes pour les grands groupes. L’intégration globale de l’information fait disparaître le pouvoir discrétionnaire des filiales, ce qui peut être à l’origine de résistances au projet d’implantation de PGI. De ce système centralisé et homogène peut découler une mise en concurrence accrue entre sites. Ceci est un avantage pour les dirigeants qui y voient un moyen d’accroître l’efficacité, mais peut être très mal perçu par certains collaborateurs. La modification des jeux de pouvoir De l’intégration informationnelle naît la possibilité pour toute personne ayant des droits d’accès suffisants d’accéder en permanence aux activités de chacun des collaborateurs de l’entreprise. Ceux-ci peuvent ainsi perdre le contrôle des informations qu’ils manipulent et qu’ils produisent : ils passent d’un système où ils traitaient des informations sur leur poste et maîtrisaient leur diffusion aux moyens de comptes rendus qu’ils rédigeaient, à un système où celui qui souhaite un compte rendu peut directement accéder à ces informations. Ce sentiment (illusoire) de pouvoir tout contrôler en temps réel est souvent à l’origine de la décision d’implantation d’un PGI par les dirigeants : l’outil leur semble potentiellement capable de répondre à leur besoin de contrôle. La transparence et la traçabilité permettent l’identification des responsabilités, les contrôles automatisés, les comparaisons en continu des performances et des coûts. Cette situation inquiète les collaborateurs et semble être une des sources principales des résistances au projet d’implantation de PGI : perdre la maîtrise de l’information signifie pour eux perdre du pouvoir. Ce phénomène semble être une des sources principales des résistances au projet d’implantation de PGI. Gestion du changement Un projet d’implantation de PGI a toujours un impact considérable sur l’organisation, aussi il doit être accompagné d’une gestion du changement efficace. En particulier, les collaborateurs doivent être préparés à accepter les bouleversements induits. |
Un outil à ne pas appliquer systématiquement à tous les domaines de l’organisation
Une solution avantageuse pour les fonctions de gestion normalisées Pour les fonctions de gestion normalisées et réglementées, les progiciels de gestion intégrée représentent une solution opportune : l’intégration informationnelle et l’adoption de nouveaux processus optimisés procurent des gains d’efficacité. Pour ces fonctions, l’entreprise n’a pas besoin de développer un savoir-faire spécifique : des procédures standard qui ont fait leurs preuves, suffisent à assurer le fonctionnement efficace de l’organisation. Il pourrait être excessivement coûteux pour une organisation de financer le développement d’une application qui lui serait spécifique dans ces domaines qui n’appartiennent pas à son cœur de métier. Elle a donc tout intérêt à acquérir une application standard. Une organisation peut retirer beaucoup d’avantages du déploiement d’un progiciel de gestion intégrée, mais avant de s’engager dans un projet de ce type, souvent long et coûteux, une réflexion est nécessaire, car d’autres solutions peuvent se révéler plus adaptées à la structure et au contexte de l’organisation. Des avantages potentiels pour les processus au cœur du métier de l’organisation Les éditeurs de progiciels de gestion intégrée complètent leur offre par une gamme assez étendue de progiciels dits « métiers » : ceci permet de prolonger l’intégration informationnelle à tous les secteurs de l’entreprise. Les PGI permettent à une organisation d’avoir un support informatique cohérent pour toute sa structure. Elle peut ainsi bénéficier des meilleures pratiques du domaine qui ont été mutualisées pour accroître sa compétitivité si celles-ci sont meilleures que son fonctionnement, sinon elle peut par un paramétrage très fin adapter le progiciel à la structure qu’elle souhaite avoir. Cela permet de bénéficier d’un outil intégrant en permanence les nouvelles règles législatives et de nouvelles fonctionnalités issues d’évolutions du métier ou de la technologie, et ceci pour un coût plus modique qu’une modification d’une application spécifique, grâce à la mutualisation des coûts par les clients de l’éditeur. En effet, les développeurs de progiciels de gestion intégrée collectent les besoins, les demandes des différentes entreprises intervenant sur différents secteurs de marché. De version en version, les PGI deviennent des réservoirs des « meilleures pratiques ». Une généralisation risquée à tous les domaines de l’entreprise Les métiers au cœur d’une organisation mobilisent les efforts de celle-ci pour la maîtrise des processus et de l'innovation, car c’est le centre de son savoir-faire, le principal moyen d’assurer sa position ou de progresser sur son marché. L’adoption d’un outil standard peut lui faire perdre une partie de son savoir-faire. Il peut lui sembler plus sécurisant de disposer d’une application spécifique, fruit de ses collaborateurs et donc reflet de leurs savoirs, de leurs savoir-faire et de la culture de l’organisation. Le risque de perte de savoir-faire est doublé du risque de perte d’un potentiel d’innovation. En effet, lorsque l’organisation aura terminé son projet d’implantation et réalisé les lourds paramétrages d’adaptation du progiciel, elle sera immobilisée dans un fonctionnement rigide avec un outil complexe qu’elle ne pourra modifier qu’avec difficulté (voire en devant faire appel à un cabinet extérieur). Cette rigidité risque d’empêcher les collaborateurs d’effectuer de petites modifications, d’essayer ponctuellement de nouveaux procédés, et toutes les expérimentations de ce type, qui peuvent être source d’innovation. Les seules modifications possibles sont celles implémentées dans une nouvelle version du progiciel par l’éditeur ou qui font suite à une phase d’étude et un nouveau projet de paramétrage réalisé généralement par des consultants. Or l’innovation est essentielle dans les activités au cœur de l’organisation : elle peut lui permettre de prendre un avantage considérable sur ses concurrents. Les progiciels de gestion intégrée sont des outils de gestion actuellement en plein essor. Ils permettent aux organisations de bénéficier d’une intégration informationnelle, d’uniformiser leur support informatique et les processus associés aux activités informatisées. Ils deviennent un outil standard. Une organisation ne doit cependant pas adopter un tel instrument sans une réflexion approfondie car il a des impacts considérables au niveau intra et inter-organisationnel. |
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